Pacte écologique et Grenelle de l’environnement (30/05/2007)

Avons-nous eu raison de signer le Pacte écologique de Nicolas Hulot, devons-nous signer le Pacte qu’il propose aux candidats des élections législatives ?
L’optimisme des associations environnementales à la sortie de leur entretien avec Alain Juppé pour parler du futur « Grenelle de l’Environnement » est-il partagé ?
Pour ma part, moi qui ai signé le Pacte écologique, j’ai la désagréable impression de m’être fait piéger. En faisant croire que tous les signataires de ce pacte avaient les mêmes préoccupations et les mêmes solutions pour résoudre les problèmes environnementaux, ce pacte a laissé croire que les Verts n’étaient pas plus compétents que les autres.
Or, il n’y avait aucune comparaison entre le programme de Sarkozy (noté 8,5/20 par l’Alliance pour la planète) et celui de Dominique Voynet (la meilleure note avec 17/20).
De même qu’il n’y a aucune comparaison entre les programmes des candidats Verts aux législatives et les autres.
La manière dont se battent les élus Verts dans des collectivités de gauche pour mettre en place les mesures environnementales indispensables pour notre territoire et notre planète, montre également que beaucoup de socialistes n’ont pas encore intégré l’urgence écologique.
Il en est de même pour ce futur « Grenelle de l’Environnement », qui constitue surtout un bon sujet pour la campagne de Nicolas Sarkozy.
J’ai bien peur que le réveil soit difficile.
Pour enrichir la réflexion, je vous propose à la suite, deux articles de presse. Le premier du Canard Enchaîné, qui n’est pas loin de rejoindre mon état d’âme, le deuxième de Jean-Paul Besset, ami de Nicolas Hulot dans les pages Rebond de Libération d’aujourd’hui.

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Le Canard enchaîné du 23 mai 2007

T’as voulu voir Grenelle

Ils en avaient tellement envie ! Eux, les écologistes, les zozos, ceux qui veulent s’éclairer à la bougie, ceux dont la classe politique française ricane depuis trente ans, et voilà que not’ nouveau président les reçoit en petites pompes à l’Elysée ! Et leur dit tout ce qu’ils voulaient entendre : en octobre prochain, les gars, j’organise un « Grenelle de l’environnement ». Oui, Grenelle, comme en mai 68 ! Et on parlera de tout, « sans tabous »…

Et, attention, on se fixera des objectifs précis, chiffrés, sur cinq ans, ça sera du concret, du solide, pas du bla-bla. D’ailleurs, c’est l’aimable Juppé, avec sa tête de converti à l’écologie, qui va s’occuper de tout, lui et son Grand ministère du Développement durable. Affriolant, non ? Alors les neuf présidents d’associations écolos (de Greenpeace à WWF en passant par les Amis de la Terre) sont sortis de l’Elysée ravis.

« Une rencontre historique », a dit l’ami des oiseaux Bougrain Dubourg. « On met enfin de côté nos petits préjugés », dit Nicolas Hulot. Quels préjugés ? En février dernier, l’Alliance pour la planète, qui rassemble 71 associations de défense de l’environnement (dont celles qu’a reçues Sarkozy lundi), avait examiné à la loupe et noté les programmes des candidats : avec 8,5 sur 20, Sarko avait écopé d’une des pires notes écolos.

Il faut dire que l’homme « qui va faire ce qu’il dit » l’avait très nettement dit : il voulait bien tout mettre sur la table, sauf…

Sauf le nucléaire : pas question d’un moratoire sur l’EPR.
Sauf les OGM : pas question d’arrêter les essais en plein champ.
Sauf les autoroutes : pas question de cesser d’en mettre partout.


Et puis pas question non plus de déranger les tenants de l’agro-industrie qui ont fait de la France un champion mondial des pesticides, et de ses rivières parmi les plus polluées d’Europe.
Pas question, même si toutes les villes de plus de 100 000 habitants sont désormais abonnées aux pics d’ozone et de gaz carbonique (24 jours par an en moyenne) et qu’une étude de l’Inserm vient de prouver que les gaz d’échappement rendent vraiment les enfants malades (asthme et eczéma), pas question de s’attaquer à la bagnole.

Pas question non plus d’énerver nos amis chasseurs. Ni l’ami Bouygues, qui continue de couvrir la France d’antennes relais. Ni l’ami Proglio, qui trouve que 158 incinérateurs (record mondial) ne suffisent pas vraiment. Etc. Bref, si quelqu’un a de « petits préjugés » sur l’écologie, c’est bien Sarkozy !

Et justement : aujourd’hui, les Verts sont dans les choux, et l’écologie politique à la ramasse. Avant les législatives, il essaie donc de rafler la mise en montrant que, plus Vert que lui, y a pas, même à gauche. De là à croire qu’à peine élu il a de nouveau « changé »…Ah, un détail : le « Grenelle de l’environnement », qui devait avoir lieu en septembre, est repoussé à la première quinzaine d’octobre. Cas de force majeure : Nicolas Hulot doit finir un tournage pour TF1.

Jean-Luc Porquet

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Feu vert pour le Grenelle de l'environnement

Par Jean-Paul BESSET
QUOTIDIEN : mercredi 30 mai 2007

Jean-Paul Besset Fondation Nicolas Hulot pour la nature et l'homme.

Le Grenelle de l'environnement est-il un piège comme certaines associations écologistes le craignent ( Libération du 25 mai) ? Autrement dit, à la veille des élections législatives, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé tentent-ils d'instrumentaliser les ONG par une manoeuvre politique en direction d'un électorat de plus en plus sensibilisé aux questions écologiques, ou sont-ils réellement décidés à bouger du fait de leur (récente) prise de conscience de la gravité de la crise écologique ?
Nous n'avons pas de réponse à cette interrogation ­ légitime tant nous savons nous aussi que les convictions politiques se réduisent parfois à de savantes mises en scène ­ et c'est bien pour cela que nous sommes décidés à aller y voir de plus près, en confirmant notre démarche d'interpellation jusqu'au bout, avec ceux qui, au long de la campagne présidentielle, ont engagé le dialogue avec tous les candidats, sur la base des propositions du pacte écologique ou de celles de l'Alliance pour la planète et de France Nature Environnement.
L'enjeu est de taille. Il s'agit ni plus ni moins de saisir une occasion inédite d'incarner nos convictions dans des prises de décision engageant l'Etat, les collectivités territoriales, les partenaires sociaux et la société civile. Jusqu'où ? C'est l'objet de ce Grenelle. A nous d'être au rendez-vous, sans angélisme mais sans préjuger des résultats d'une négociation avant que celle-ci se soit tenue. Mener une politique de la chaise vide à coups de préalable ou de suspicion compromettrait le travail de mobilisation engagé ces derniers mois dont ce Grenelle peut constituer un premier aboutissement et un formidable encouragement à poursuivre la dynamique.
C'est nous, les associations, qui avons demandé la tenue de ce Grenelle. Le refuser maintenant par suspicion de principe ou sous prétexte que ce ne serait pas le bon moment (y a-t-il un «bon» moment pour discuter de l'urgence ?) reviendrait à se tirer une balle dans le pied. Quelle crédibilité conserverions-nous aux yeux des pouvoirs publics et de la société ? Nous avons mené campagne pour que l'impératif écologique devienne une priorité politique. Le nouveau président de la République envoie un signal dans ce sens en l'inscrivant d'entrée dans son action et en mettant en place un superministère qui offre, semble-t-il, des possibilités d'avancer concrètement. Qui comprendrait que nous ne saisissions pas cette opportunité ? Négocier n'est pas faire preuve d'allégeance.
Lors de la première réunion exploratoire qui s'est tenue lundi 21 mai à l'Elysée, il a été acquis, comme nous l'avions demandé, que ce Grenelle porte réellement son nom et soit une véritable négociation, «sans tabous» (y compris sur le nucléaire, les OGM, le programme autoroutier et l'incinération des déchets). Les choses sont claires : il ne s'agit pas d'avaliser le programme du candidat Sarkozy mais de faire progresser la cause que nous défendons. Tout sera mis sur la table sous le regard de l'opinion. L'issue n'est évidemment pas garantie, le paradigme écologique et ses conséquences sur les modes de production et de consommation n'étant pas dans les traditions des gouvernements successifs. Devrions-nous pour autant partir du principe que les politiques ne changeront jamais ? Au contraire, à nous d'ouvrir les portes, de chercher à convaincre plutôt que de rester confinés dans un marginalisme protestataire.
Sur le fond, ce Grenelle de l'environnement constitue aussi un rendez-vous avec nous-mêmes, les associations. Ou bien nous restons dans le business as usual en campant dans l'entre soi, figés dans une attitude propagandiste et passablement impuissante. Ou bien, en toute indépendance, nous tentons d'instiller à tous les niveaux de la société les solutions auxquelles nous travaillons depuis longtemps. Ce rendez-vous, auquel toutes les associations écologistes doivent pouvoir participer selon un mode de représentation qu'il leur appartient de définir, peut avoir un impact qui bouscule les lignes, libère les énergies et bouge la société. Nul doute qu'il sera aussi une confrontation. Une confrontation de projets, de programmes, de propositions, pas une guérilla tribunitienne ivre de mots ou d'anathèmes.
Dans la mesure où toutes les questions qui nous préoccupent seront traitées, ces négociations auront un effet loupe. Les positions, voire les contradictions, des parties prenantes seront clairement exposées aux yeux de tous. Chacun sera alors en situation de juger les intentions des uns et des autres.
Pour notre part, nous irons au Grenelle avec des propositions de rupture et des obligations de résultat.

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