Conclusions de l’enquête publique sur la navigabilité du Lot (09/08/2006)
La commission d’enquête vient de rendre ses conclusions concernant l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique sur ce projet. Il n’y a pas de surprise. Elle y est bien sûr favorable pour la remise en navigabilité du tronçon La Madeleine – Port d’Agrès, et défavorable à la mise en navigation de la section de Port d’Agrès - Saint-Parthem.
Dans son rapport, elle signale avoir recueilli 155 observations soit directement sur les registres mis à disposition dans les mairies (75) soit par courrier direct à la mairie (76).
Decazeville a recueilli 18 observations (16 + 2), Livinhac, 45 (22 + 23), Boisse-Penchot, 13 (8 + 5) et Saint-Parthem, 44 (8 + 36).
A noter le peu d’intérêt des habitants de Capdenac-Gare avec seulement 6 observations (2 + 4), de Capdenac-le-Haut avec également 6 observations (5 + 1) et de Cuzac avec aucune observation. Ces deux dernières localités étant dans le département du Lot.
Sur 10 délibérations de conseils municipaux de l’Aveyron, 9 expriment un avis favorable au projet et 1 un avis défavorable : Decazeville.
Sur les 55 observations, il y a eu 24 observations de Saint-Parthem – Port d’Agrès (tronçon qui a reçu un avis défavorable de la commission d’enquête) et les 8 conseils municipaux favorables au projet)
Les observations précédentes sont à relativiser car il y a eu 13 avis défavorables concernant le choix des investissements (dont Decazeville) qui estiment qu’il y a d’autres priorités : assainissement, emplois, sécurisation contre les inondations, autres filières touristiques majeures (randonnée, cyclisme, cheval, baignade…)
Retombées économiques à relativiser également car il n’est enregistré que des avis défavorables (44) concernant le ratio Coût / Rentabilité du Projet.
Ensuite :
- 11 observations interrogent sur la prise en charge de la gestion des ouvrages du projet et de l’entretien des berges en phase opérationnelle.
- 42 observations évoquent un risque d’inondation accrue et une incompatibilité avec les PPRI.
- 7 observations évoquent une action néfaste sur la qualité des eaux : risque eutrophisation et risque de pollution au cadmium
- 31 observations défavorables, dont la fédération de Pêche, craignent une détérioration du milieu physique de la rivière notamment le paysage et la portion en eau vive du secteur de Port d’Agrès.
- 14 avis craignent une détérioration du milieu naturel
Des observations portaient également sur l’impact de ce projet sur l’alimentation en eau potable (notamment durant les travaux), sur le milieu humain , sur l’impact des travaux…
Dans ses conclusions, la commission d’enquête revient sur la déclaration du conseil municipal de Decazeville, mais elle estime qu’il ne lui appartient pas de porter un jugement sur divers points. Notamment sur le choix des investissements, sur les raisons du choix du maître d’ouvrage, sur le ratio coût / rentabilité (sauf pour le secteur Port d’Agrès – Saint-Parthem), sur les priorités environnementales.
Mais elle estime que ce projet est complémentaire du développement des autres activités et des mesures de protection de l’environnement.
Elle reconnaît néanmoins le problème juridique du transfert de compétence, mais l’élude en se disant non qualifiée en la matière et en estimant que ce point soit examiné ultérieurement.
La commission se contente d’une réponse orale du maître d’ouvrage à l’important problème de la charge d’entretien des ouvrages. Celui-ci devrait être à la charge du syndicat porteur du projet.
Concernant les inondations, elle a observé que certains considèrent que grâce à la mise en place de barrages à clapets, la situation sera améliorée en périodes de crues « normales ».
La commission estime qu’a priori, l’ensemble de l’ouvrage permettra un meilleur écoulement grâce au remplacement de chaussées fixes par des barrages à clapets mobiles qui peuvent totalement d’effacer et que l’ouvrage ne pourra pas présenter des incompatibilités avec les PPRI existants ou à venir.
Concernant la qualité des eaux, la commission recommande une attention particulière pour les captages de Bouquiès, Lacombe et Laroque-Bouillac.
Les risques de pollution par les métaux lourds, notamment le cadmium doivent faire l’objet de toutes les mesures de prévention connues et dans le doute le principe de précaution devra être appliqué.
Elle recommande de prendre des mesures pour la protection et l‘entretien des berges.
En matière d’environnement, « comme l’ont exprimé plusieurs conseils municipaux, la commission considère que la prise de conscience des populations ne pourra qu’être bénéfique sur l’ensemble du projet ».
Que dire de l’ensemble des observations et conclusions de la commission d’enquête ?
Que la commission d’enquête a bien voulu retenir ce qu’elle pensait être utile au maître d’ouvrage.
Elle estime qu’il ne lui appartient pas de porter un jugement sur divers points. Notamment sur le choix des investissements, sur les raisons du choix du maître d’ouvrage, sur le ratio coût / rentabilité, mais assure mordicus dans sa conclusion que « des retombées économiques importantes peuvent en être attendues ». Quels arguments permettent de tenir une telle conclusion ? Aucuns. Si ce n’est ceux du maître d’ouvrage argumentés lors des réunions préparatoires sous sourires et même les rires des personnes présentes.
Rappelons que la conclusion de l’étude qui nous était présentée disait :
« Les actions d’intégration socio-économiques doivent être précisées. Rappelons en effet que les investissements privés devront être du même ordre de grandeur et s’ajouteront aux efforts publics de remise en navigabilité. Ce sont ces investissements qui fondent l’hypothèse d’effets induits qui justifient le programme au plan socio-économique ».
Nous connaissons le montant des investissements publics : au moins 35 millions d’euros. Quant au montant des investissements privés ? Rien de concret pour l’instant.
Cela n’a pas gêné la commission d’enquête.
Le problème des inondations est réglé d’un coup de baguette magique grâce aux barrages à clapets, en oubliant l’étranglement de Laroque-Bouillac et en faisant fi des 42 observations notant au contraire l’aggravation des inondations avec ces ouvrages ainsi que l’incompatibilité de ce projet avec les PPRI.
Le problème de l’enlèvement de 300 000 m3 de sédiments dont certains contaminés aux métaux lourds (cadmium) est tout juste évoqué.
L’enlèvement de 76 000 m3 de déblais dont 4 000 m3 de roches juste en amont de la station de pompage des eaux de Bouquiès n’est pas un problème pour la commission puisque la station de traitement devra être « renforcée ».
La commission se contente d’une réponse orale du maître d’ouvrage concernant l’entretien de l’ouvrage, des écluses, du chenal de navigation, des berges… Ce qui est sûr, c’est que ce seront les contribuables aveyronnais qui payeront.
Elle renvoi au futur le problème juridique du transfert de compétences.
Elle estime qu’il ne lui appartient pas de porter un jugement sur les investissements en matière de priorités environnementales, mais que ce projet est complémentaire du développement des autres activités et des mesures de protection de l’environnement.
Malheureusement, ce projet de navigabilité vampirise tous les crédits et il ne restera rien aux autres activités douces sur l’eau ou en bordure de rivière ainsi qu’à la restauration de la qualité des eaux, surtout s’il n’y a pas de volonté politique d’aller dans ce sens.
Voilà. Il reste à attendre l’avis de la Préfète, mais elle suivra sûrement l’avis de la commission d’enquête.
En novembre 1997, Dominique Voynet, alors ministre de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement devait participer à l’AG de l’association pour la Vallée du Lot à Cahors. Elle avait été malheureusement retenue à Paris pour cause de conseil de ministres avancé.
Mais elle avait tenu à s’exprimer sur ce dossier : « Ce projet, s’il entend rendre à la rivière sa navigabilité, ne saurait se résumer à cela ». Il s’agit « d’un vrai dossier d’aménagement du territoire, respectueux de l’environnement et préservant le patrimoine ».
Elle devait par ailleurs ce même jour cosigner une charte avec l’Agence de l’eau Adour-Garonne, présidée à l’époque par la Bouillacoise Marie-Françoise Mendez, traitant des politiques territoriales. Cette charte visait à décentraliser les décisions en matière de :
- qualité de l’eau – objectif baignade - ,
- restructuration des berges
- assistance à la gestion de l’eau.
Depuis, la droite est passée par là et les actions pour améliorer la qualité des eaux sont passées à la trappe. Les aides de l’Agence de l’Eau Adour-Garonne vont servir à construire le barrage de Charlas (pour les maïsculteurs et refroidir la centrale de Golfech) au lieu d’aider les collectivités dans leur remise à niveau des réseaux d’eaux usées et des stations d’épuration et améliorer ainsi la qualité des eaux des rivières, dont le Lot.
La nouvelle loi sur l’eau que va présenter Nelly Olin à la rentrée va créer une nouvelle catégorie, celle des pollués-payeurs.
Dominique Voynet avait ajouté que ce projet présenté en 1997 dans le Lot « était un vrai dossier de développement durable par opposition aux « coups » médiatiques et incohérents de certains dossiers ».
Mais dans l’Aveyron, nous sommes bien sur un « coup ».
Un « coup » qui aura un coût de 35 millions d’euros minimum.
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