Catherine Grèze à Sao-Paulo pour soutenir Marina Silva (05/09/2009)

Notre nouvelle députée européenne Catherine Grèze nous envoie ce petit billet pour nous faire partager l'engouement qui est en train de naître au Brésil avec la candidature pour les Verts à l'élection présidentielle de Marina Silva. Au Brésil, l'espoir ne semble plus être avec le Parti des Travailleurs, mais avec les écologistes.

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marina_silva.jpgLe départ s'est fait en urgence. Quelques jours auparavant, je reçois une invitation pour l'acte de bienvenue, qu'ils s'apprêtent à orchestrer pour Marina Silva, des Verts Brésiliens. Sans hésitation, je pars pour Sao Paulo. Durant plus de quinze ans, j'ai fait le tour du monde à la rencontre de la planète verte, au sein de l'exécutif du Parti Vert Européen ou de la Coordination des Verts mondiaux. Pour la première fois, je prends ce chemin en tant que parlementaire, venant apporter un soutien institutionnel.

A Sao Paulo, l'ambiance est survoltée. Alors qu'on attendait un peu moins d'un millier de personnes, plus de 2000 militants se bousculent. La salle déborde. Tous les médias brésiliens accourent. Au Brésil aussi l'heure est à l'écologie politique. Le départ de Marina Silva du Parti des Travailleurs a provoqué un electrochoc dans le monde politique brésilien. Lula est empêtré dans les affaires de corruption de son gouvernement, à commencer par le Président de l'Assemblée, José Dirceu. Il peine à imposer Dilma Rousseff, comme candidate à sa succession. S'il a représenté un formidable espoir pour l'Amérique Latine, le nom de Lula rime aujourd'hui aussi avec OGM, relance du nucléaire, saccage de l'Amazonie. Pour les écologistes qui l'ont soutenu au début de son mandat, le clivage est maintenant consommé entre la vieille gauche qui soutient des politiques productivistes avec comme unique mot d'ordre la croissance, sans que cela ne réponde à l'angoisse sociale et au désastre écologique. Marina a quitté le gouvernement Lula il y a plus d'un an, après avoir été présente durant des années comme la vitrine verte du gouvernement. Elle quitte aujourd'hui le Parti des Travailleurs avec de nombreux militants, des associatifs, et bon nombre de Députés du PT, lassés de ne pouvoir infléchir la politique d'une gauche qui n'a pas compris l'enjeu de la nécessaire transformation écologique.

Le Congrès de Sao Paulo médiatise et met en scène cette annonce. Les Verts Brésiliens ont lancé, il y a quelques mois une vaste campagne pour demander à Marina de se présenter à la Présidentielle. Elle a depuis quitté le PT, et par ce Congrès signe son affiliation au Partido Verde do Brasil. Dans la salle, tous ceux qui ont fait vivre l'écologie politique au Brésil sont présents. Les murs sont recouverts d'affiches à la mémoire de Chico Mendes, dont la fille est aussi présente. C'est à ses côtés que Marina a commencé sa lutte en Amazonie. Fernando Gabeira, qui a failli emporter l'Etat de Rio de Janeiro l'an passé est aussi présent. Je revois aussi Alfredo Sirkis, ancien compagnon de Dany en 68, devenu depuis la figure intellectuelle de l'écologie, et Marcos Antonio Mroz, avec qui j'avais co-organisé le second Congrès des Global Greens. Gilberto Gil, le chanteur, ancien Ministre de la Culture et figure charismatique des Verts a adressé son soutien sans équivoque à Marina.

Un parfum d'Europe Ecologie flotte dans l'air. Le mot d'ordre est de faire sauter les verrous partidaires. Gabeira parle d'un parti vivant, qui va construire son programme pour les élections de l année prochaine avec les outils modernes internet, en y associant les intellectuels et des citoyens.

Le  programme sera totalement ré-écrit, mais tout le monde intègre le PV, de Marina au Directeur de Greenpeace, sous les "viva" de la foule à chaque signature. Dans son discours, Marina parle de l'importance du mouvement social, de l'importance d'être capable d'articuler les luttes et l'engagement.

Cette femme, physiquement frêle, parle  lentement puis d'une voix forte pleine de résistance. Elle parle de son histoire de ses 30 ans de militance au PT et de ses  combats avec Chico Mendes de ses rencontres avec Gabeira et Sirkis, de sa volonté de ne pas nier les erreurs commises par le passé, mais aussi d'apprendre de ces erreurs : "Je quitte la maison du PT au terme d une maturité pour en fonder une autre et rejoindre celle du Partido Verde". Ici il y a une vision du monde. Elle parle de faire du développement soutenable une stratégie politique, elle parle d'une vision tolérante, généreuse d'un processus démocratique transparent, de campagne en positif, de jeunesse...

Elle évoque aussi son lien spirituel a l'écologie, au respect de la terre, de la vie. La foule scande "Marina Presidente". A des milliers de kilomètres de là, on me rapporte qu'à la tribune de La Rochelle, Benoit Hamon attaque Marina en la taxant de "créationniste", des rumeurs parlant d'un engagement contre l'avortement. Décidemment, nos socialistes français ne comprendront jamais rien au monde qui se bouleverse. Nous sommes au Brésil, dans une autre culture, où spiritualité et politique sont souvent liées, surtout dans le milieu paysan. Je n'ai aucune idée des convictions religieuses ou non de Marina, ni de son orientation sexuelle. En tout cas, elle n'a jamais pris d'engagement réactionnaire que nous puissions condamner et défendra le programme du PV.

Seule députée européenne a assister à cet événement, je suis l'une des rares invités à prendre la tribune. Parmi toutes ces interventions en portugais, je m'exprime en espagnol. Je rappelle être venue deux fois auparavant pour les Global Greens, je redis ma fierté de venir maintenant apporter mon soutien à Marina, que j'ai déjà croisée plusieurs fois au cours des dernières années. Je rappelle déjà notre engagement au Brésil, à Rio, en 1992 ensemble pour porter les valeurs du développement soutenable. Dix-sept ans après, la crise s'accélère et même si nous faisons évoluer certaines politiques, aucune réponse n'est à la hauteur de la crise globale que nous devons affronter. Les difficultés que nous rencontrons dans des contextes socio-économiques très différents, sont des problèmes semblables, et notre éloignement de la vieille gauche est similaire au Brésil et en France, tant nous avons la sensation qu'elle persiste à ne parler qu'une langue

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 révolue. Marina, c'est encore plus important pour nous à cause de son parcours d'enfant défavorisée, de militante de la préservation de l'environnement et de femme politique courageuse. Je souligne l'importance de permettre l'émergence de femmes en politique, comme l'ont toujours fait Les Verts : hier avec Wangari Maathaï, aujourd'hui avec Marina Silva, demain avec d'autres plus jeunes encore. L'alternative écologiste se construit partout, ici et là-bas.

Je suis applaudie à tout rompre, et j'invite au nom des Verts européens Marina à venir nous rendre une visite en Europe pour faire le lien entre les luttes écologistes de nos deux continents et porter la parole du Sud à Copenhague. L'ambiance est surchauffée, la sécurité peine à contenir la pression de la foule sur la tribune et finalement nous sommes évacués par les cuisines ! 

Après le succès du 7 Juin, l'événement politique majeur qui vient de se dérouler à Sao Paulo, me fait sentir qu'un vent d'écologie s'est décidément levé sur notre petite planète

Et au delà du "verde", Marina apporte au Brésil une candidature à la couleur de son peuple

Le lendemain, les titres ne s'y sont pas trompés :  "Marina, Presidente ! Marina Presidente ! Marina Presidente !"

Bien à vous,

Catherine Grèze,

06:45 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : verts, brésil, marina silva, écologie | |  Facebook | |  Imprimer |