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01/05/2006

L’humanité disparaîtra, bon débarras !


On pourrait croire que le livre d’Yves Paccalet, philosophe, écologiste engagé et compagnon de Jacques-Yves Cousteau, n’est que le produit d’un soixante huitard dépité. Non. Il est malheureusement réaliste. Tout ce qui est décrit est réellement vrai. Tout ce qu’il prévoit est non seulement possible, mais a de grandes chances de nous arriver.
« Si je décris que cette catastrophe a de sérieuses probabilités de se produire au vingt et unième siècle, je suis proche de la science.
Je deviens irrationnel, moral, humaniste ou religieux à partir du moment où j’ajoute : « j’espère que je me trompe ». »
Les treize scénarios où se dessine l’inéluctable extinction d’Homo sapiens, décrits dans ce livre, ne sont pas des scénarios pour un film de science fiction.
Le livre d’un « connaisseur » de notre planète, documenté, réaliste, un livre qui doit nous réveiller. Un livre indispensable.


Yves Paccalet est né en 1945, en Savoie. Philosophe, écrivain, journaliste, naturaliste, biologiste, botaniste et zoologue, scénariste. Etudes de philosophie à l’Ecole normale supérieure. Passionné de nature, il rencontre Jacques-Yves Cousteau en 1972 et en 1975 embarque sur la Calypso pour quinze ans, échangeant ses “capacités d’écriture contre la possibilité de voir le monde”, des Caraïbes à la Nouvelle-Zélande, en passant par l’Amazonie et les pôles, rédigeant les livres et les textes des films du commandant Cousteau.

Il lui signe une vingtaine de livres. Il publie ensuite de nombreux ouvrages de nature "La Terre et la Vie", "La Mer et la Vie", "Secrets de corail", "Baleines", de littérature et de philosophie "L’Odeur du soleil dans l’herbe", "Humeurs sauvages". Il collabore à Terre sauvage, à Géo Magazine, au Nouvel Observateur, au Figaro Magazine, etc., écrit des scénarios de B.D. et de dessins animés, se consacre au roman "L’Azur ! L’Azur !" et à d’autres livres illustrés ou essais littéraires "Le Bonheur en marchant", "Mes plus belles balades en France", "Kamtchatka, la terre des origines", "La France des légendes", "La Vie secrète des dauphins", "Soigner l’homme, soigner la Terre", "L’Ecole de la nature", "Voyage au pays des montagnes", "Voyage au pays des fleurs", "Mystères et légendes de la mer", "Forêts de légendes", "Extrême Sud", "L’Humanité disparaîtra, bon débarras !". Il prépare de nouvelles émissions de radio et des séries documentaires pour la télévision.



EXTRAITS


“J’ai cru en l’homme. Je n’y crois plus. J’ai eu foi dans l’humanité : c’est fini. J’ai pensé, dit et écrit que mon espèce avait un avenir. J’ai tenté de m’en persuader. Je suis maintenant sûr du contraire : l’humanité n’a nul destin. Ni lendemain qui chante, ni surlendemain qui fredonne.

No future : elle est comme une droguée - avide et déjantée, esclave des biens matériels, en souffrance de consommation, asservie à ce qu’elle imagine être la “croissance” ou le “progrès”, et qui sera sa perte. Si elle ne s’autodétruit pas dans une guerre atomique… Une épave ! ...

J’ai vu les résolutions de la conférence de Stockholm s’engloutir dans les pollutions, les saccages et les profits boursiers qui s’ensuivent. J’ai regardé le Programme des Nations unies pour l’Environnement se consumer dans les dévastations civiles et guerrières.

Le même sort est advenu à l’appel de Rio de Janeiro de 1992, une ville de carnaval et de favelas où j’avais pourtant vu le commandant Cousteau se faire acclamer devant un parterre de chefs d’État - sacré “Captain Planet” ou “conscience écologique” d’une humanité enfin soucieuse de la maison Terre.

Fariboles à usage médiatique ! Le protocole de Kyoto, élaboré en 1997, s’asphyxie dans l’égoïsme forcené des riches - tout comme la planète étouffe dans les excès de gaz carbonique, d’ammoniac et de méthane. J’en ai marre de la perpétuelle dictature des intérêts individuels, familiaux, corporatistes, religieux, communautaires ou nationaux ; du je-m’en-foutisme et de l’hypocrisie ; de la bassesse ordinaire ; de l’égoïsme général (je me range, évidemment, sous l’adjectif “général”.

Je continue le combat pour la planète et pour l’homme sans la moindre perspective de succès. Par habitude. Par devoir. Mais sans autre espérance que d’en rire ou d’en pleurer - tel le musicien du Titanic en train de jouer Plus près de toi, mon Dieu, de l’eau jusqu’aux genoux.

Aux yeux du philosophe qui n’a jamais entretenu d’illusions, ou du moraliste qui a perdu toutes les siennes, l’homme est un poulet à deux pieds sans plumes qui descend des bactéries et qui y retourne après avoir saccagé le poulailler.

Sauf miracle… Mais, je le rappelle, un miracle est un événement que tout le monde attend pour conjurer la catastrophe, et qui n’arrive jamais.


Croissance, énergie :

Nous fonçons vers le précipice en nous réjouissant de notre vitesse prodigieuse, que nous nommons « croissance ».
Nous pleurons sur la tragédie humaine, mais nous l’accélérons. La maison s’écroule, et nous branchons la télévision. La fumée de l’incendie nous fait tousser, et nous regardons l’élection de Miss Blonde ou la Coupe du monde de football. Nous avalons avec un sourire niaiseux, la logorrhée des politiciens et des économistes qui nous promettent la croissance à perpète et s’extasient sur la progression d’un quart de point de l’indice de confiance des consommateurs calculé par l’institut des statistiques infaillibles de l’université Georges le Menteur du Texas.
Le rêve des Chinois (comme le nôtre, comme celui des Indiens et des autres) consiste à consommer. Où cela nous mène-t-il ?
Si la croissance de l’économie chinoise se poursuivait au rythme actuel (dix pour cent par an), les Chinois rattraperaient les Américains en 2030, avec un revenu annuel per capita de trente huit mille dollars. La Chine serait alors peuplée d’un milliards quatre cent cinquante millions d’habitants et on y verrait pétarader un milliard cent millions d’automobiles.. D’où sortirait le carburant ? A quel prix ?
Dans la même hypothèse, le « rattrapage » de la Chine émettrait en 2030, deux fois plus de gaz à effet de serre que le reste du monde. Elle consommerait plus de papier que toutes les forêts de la Terre n’en pourraient offrir.
Supposons que l’Inde s’y mette avec la même hargne. Et tous les pays sous-développés.
Mortelles illusions de l’économie de marché et de la sacro-sainte « politique de croissance » !
A mes yeux, une chose est sure. Avant d’en arriver à de telles absurdités, nous nous serons entre-tués. Nous nous serons massacrés les uns les autres pour le pétrole, l’eau, les minerais, bref pour tout ce nous nommons nos « richesses naturelles » ou nos « ressources ».

On nous rabat les oreilles avec les vertus du développement. Pas un discours d’homme politique, pas un communiqué d’entreprise, pas un mot d’ordre syndical qui ne se réfère à la « croissance », sans laquelle nous serions voués à la régression et au malheur…
Le problème est que nous ne sommes pas pus heureux avec deux 4X4 qu’avec un ; avec trois téléviseurs qu’avec deux… Comme tous les autres, la drogue de la consommation nous asservit et nous désole.
… La croissance quantitative illimitée conduit inéluctablement au collapsus. Imagine-t-on notre planète avec trois milliards de voitures et leurs gaz d’échappement ? Avec des milliers de centrales nucléaires et leurs déchets ? Avec des millions d’avions dans un ciel devenu gris, et dont la voûte n’unirait plus que des pays caparaçonnés du même béton.
Je ne crois pas que nous puissions nous désintoxiquer de l’utopie de croissance… Elle nous est aujourd’hui resservie sous une forme gentiment pernicieuse : le « développement durable ».
Je me méfie de cette expression. Au pire, c’est un oxymoron – une contradiction dans les termes ; dans un système écologique et énergétique fermé comme la Terre, aucun développement ne peut durer longtemps. Au mieux, « développement durable » ne signifie rien de précis. Chacun y met ce qu’il veut, selon sa fantaisie et son intérêt…
Dans sa version écologique, l’utopie de Mai Soixante-huit avait agité l’idée que la croissance indéfinie est impossible sur une planète aux ressources limitées ; qu’il s’agit d’un leurre ; qu’il vaudrait mieux chercher la solution dans une « croissance zéro », tempérée par une plus juste répartition des richesses. Je suis intimement persuadé que cette idée est bonne ; et même (si nous voulons nous donner une petite chance de survivre) qu’il faut pousser plus loin .
Nous ne nous en tirerons que par la vertu d’une décroissance raisonnable.
Sauf que c’est impossible, parce que personne n’en veut.

…Nous avons créé cette société de consommation qui nous rend si vaniteux ; que nous appelons « progrès » ; et dont nous feignons de croire qu’elle est universellement partagée (en réalité par un humain sur six) et qu’elle sera éternelle (en réalité elle agonise).
Goinfrerie, dépendance…
Nous sommes drogués. En état d’addiction. Cet esclavage nous rend fou. Nous en voulons sans cesse davantage. Peu nous importe les conséquences. Nous réclamons l’énergie la moins chère et la plus facile à utiliser : le pétrole, encore du pétrole, toujours du pétrole ! A pleins tuyaux ! A pleins tankers – et tant pis pour les marées noires.
Mais le danger principal que nous courons avec les hydrocarbures, c’est notre propre violence.
…Le vint et unième siècle nous ramènera à la case Moyen-Age. L’énergie redeviendra hors de prix. Notre monde fonctionne au « tout pétrole ». Il en dépend. La planète se shoote au gazoil, à l’essence, au kérozène, au gaz naturel. Ces produits ont été déposés comme un cadeau par la vie depuis l’ère secondaire. Ils datent du temps des ammonites, des dinosaures ou des mastodontes. Nous sommes en train de les épuiser. Quand ils manqueront, non seulement nous retournerons au Moyen Age, au geste auguste du semeur, au fagot dans la cheminée et au cheval de labour, mais aussi à la guerre de Cent Ans. Avec des armes de destruction massive au lieu de lances et d’arbalètes.
…En vérité, il n’existe aucune autre solution au problème mondial de l’énergie qu’une diminution rapide, volontaire et massive de notre consommation.


Environnement :

Je rencontre des pêcheurs. Ce sont les Papous Kamoro… Le produit le plus demandé, donc le plus cher, est l’aileron de requin… La cale est bourrée d’ailerons. Je contemple, ahuri, les nageoires séchées de milliers de squales dont le reste de la chair a été jeté. J’en demande le prix. Le négociant chinois paie cent cinquante milles roupies indonésiennes (environ douze euros) le kilo.
Pour les Papous, une fortune.
Pour les trafiquants, le pactole.
Pour les squales, le commencement de la fin.
Notre espèce ne survivra pas aux désastres qu’elle provoque. Nous n’en avons pas pour très longtemps. Nous sommes tous des Papous.
Nous avons banni le DDT, mais nous répandons bien plus d’insecticides aujourd’hui que dans les années soixante.
Le silence des oiseaux devient assourdissant. Qu’il soit causé par la guerre, la dévastation mécanique ou la chimie, il préfigure celui de la vie.


Quelque chose en nous d’un peu nazi :

Aucune « bête sauvage » n’aurait jamais assassiné ses congénères comme nous nous y sommes employé à Oradour-sur-Glane ou à Srebrenica.
Nous sommes des « salauds » au sens sartrien du terme : nous accomplissons nos mauvaises actions en toute liberté ; en ayant conscience du mal que nous faisons.

Une seule espèce vivante, sur le milliard de celles que la vie a inventées depuis ses origines sur la Terre, est capable de perpétrer des exterminations systématiques contre elle-même : la nôtre. Homo sapiens. Le grand singe sage.
L’homme est le seul animal qui s’autodétruit.
Les massacres que nous perpétrons n’ont pas d’exemple dans le règne vivant. Ils signent notre originalité absolu.

Le vingt et unième siècle sera belliqueux, ou je ne m’y connais pas. Au bouquet final de ce feu d’artifice, l’humanité sera grillée, affamée, noyée, gelée, anéantie.
Je dirais même plus : nous aimons nos perfidies. Nous le justifions. Nous leur trouvons des excuses possibles et impossibles. Nous les rebaptisons « légitime défense », « acte de bravoure » ou « choix tactique ».

Nous épuisons l’ouvrier ou l’employé au travail : le vingtième siècle était « métro, boulot, dodo » ; le vingt et unième sera « métro, boulot, Prozac »
Nous tuons notre voisin à petites doses en lui faisant ingérer des fumées toxiques, des eaux polluées, des PCB, des plastiques, des dioxines, des nitrates, des pesticides, des métaux lourds, des isotopes radioactifs et dix mille venins du foie, du cœur et du cerveau (raisons raisonnantes : « rentabiliser l’investissement », « gagner des parts de marché », ou « créer des emplois » : variante : « lutter contre les délocalisations »)

Le racisme est une des conséquences les plus sinistrement loufoques de notre nazisme essentiel.
La couleur de la peau ou des yeux est un trait génétique négligeable. Rien n’y fait : le racisme prospère. Sa gestation est simple. Je veux accroître mon territoire (plaisir). Mon voisin le gêne : il faut que je le domine (plaisir) et que je l’extermine (double plaisir). Pour m’en débarrasser, je vais le déprécier par le verbe, puis l’achever par le pogrome.

Nous avons atteint notre premier milliard en 1800. Nous étions deux milliards en 1860, trois en 1910, quatre en 1950, cinq en 1980. Nous sommes six milliards et demi en 2006. L’effectif du genre humain avoisinera les douze milliards en 2050. C’est demain.

Un nombre croissant d’humains sont privés d’eau potable, de nourriture suffisante, d’énergie, de maison, d’hygiène, de médicaments, en un mot : de dignité. Nous appelons cela le « progrès ».
Nous laissons crever de soif ou de faim nos frèreS du Malawi ou d’Éthiopie ; du Mali ou d’Haïti. Nous les abandonnons au sida, au palludisme, à la pneumonie, au choléra, à la maladie du sommeil, à la bilharziose, à l’onchocercose ou à l’atroce noma qui dévore le visage. Nous leur refusons nos remèdes sous le prétexte imparable qu’ils ne peuvent pas se les payer. Et comment feraient-ils ? leurs gains du mois n’achèterai pas la dose quotidienne… Dans le même temps, nous leur volons leurs terres, leurs récoltes, leurs forêts, leurs zones de pêche, leur pétrole ou leurs minerais en invoquant les règles du commerce mondial que nous avons nous-même édictées.
…L’eau douce liquide est rarissime (sept pour mille du total). L’homme en prélève environ cinq mille kilomètre cubes par an. Il en utilise (et en gaspille !) des quantités inégales selon qu’il est américain (sept cents litres par personne et par jour), européen (trois cents litres) ou africain (trente litres). Aujourd’hui, un milliard trois cent millions de nos congénères (un sur cinq), n’ont aucun accès à l’eau potable. Dans vingt ans, ils seront trois milliards, avec des tragédies sanitaires – famines et épidémies : choléra, dysenteries, paludisme, bilharziose, onchocercose…

L’homme n’agit dans l’intérêt général que par hasard ou par exception. Quand il y a des témoins… Il ne se préoccupe de faire le bien que s’il peut aussi le faire savoir… C’es ainsi que les riches donnent aux pauvres sur le perron de l’église, de la synagogue, ou de la mosquée…
La charité, oui ! La justice, non.
Nous ne partageons que le superflu ; et encore à condition que cela se sache. C’est ce que j’appelle le syndrome « Je suis bon, Téléthon ».
Je dépose ostensiblement mon obole à la quête, je chante pour l’Éthiopie, je collecte des pièces jaunes, je donne aux victimes du tsunami… Je songe à mon prochain, non pas parce que je l’aime comme moi-même, mais parce que tout le monde me regarde et que je tirerai bénéfice de ce geste. La bienfaisance et la bonté ne durent que le temps de la guimauve et de la compassion ; des ruisseaux de larmes sur la misère du monde.
Bref, le temps d’une émission de télévision…
Certes, le Téléthon, les restos du cœur, les chansons pour l’Arménie, les actes humanitaires ou charitables sont nécessaires. Ils font survivre quelques-uns de nos semblables, et c’est déjà ça. Mais ces offrandes rituelles ne sont que les oripeaux de notre égoïsme.

Sexe, territoire et hiérarchie :

L’éthologie nous enseigne que, comme tout être vivant (de l’amibe au chêne, de la crevette au gorille) l’Homo sapiens obéit à trois pulsions : le sexe, le territoire et la hiérarchie.
La reproduction, la possession et la domination.
Le sexe permet la succession des générations – la copie de l’ADN e la transmission des gènes, c’est à dire la pérennité de l’espèce.
Le territoire offre à l’individu l’espace physique et les facteurs écologiques grâce auquels il accomplit son destin : l’eau, l’air, la nourriture, la lumière, la chaleur, le refuge, etc. ; ainsi qu’un cadre à ses amours. Dans la bouche vociférant d’Hitler, le territoire s’appelle « espace vital ».
La hiérarchie désigne ceux, parmi les sujets d’un groupe, qui peuvent accaparer le plus de ressources ; ceux qui ont le plus de chances de réussir leur parcours et de perpétuer leur lignée.

Du côté du territoire et de la hiérarchie, tout est permis et même encouragé. La possession et la domination sont élevées au rang de valeurs. On les récompense par des biens matériels, un salaire, une rente, une marge brute, des profits. On les célèbre par un tableau d’honneur, des médailles ou un tiraillement d’oreille de Napoléon aux grognards.
Chaque fois que nous étendons notre domaine ou que nous prenons le dessus sur quelqu’un, nous en tirons une récompense chimique en dopamine et autres molécules gouleyantes. Nous n’avons qu’une hâte : recommencer. Toujours plus riches et plus puissants. A l’inverse, nous souffrons si notre fief est écorné ou si un concurrent nous dépasse dans la file.

Pour satisfaire son obsession du territoire et de domination, l’Homo sapiens est capable du pis.
Et le pis est atomique… Le cauchemar nucléaire à commencé en 1945, à Hiroshima et Nagasaki.
On a détaillé les dangers du nucléaire « civil », les cuves fissurées, les explosions, la fusion du réacteur, les lubies du nuage radioactif, la nocivité multicellulaire des déchets, etc. Le vrai cauchemar, la menace absolue à côté de laquelle les accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl restent des contes pour enfants, c’est la prolifération de l’arme atomique.
La seule difficulté consiste à obtenir le combustible. Le matériau fissile… Or la multiplication des réacteurs nucléaires « civils » engendre des masses énormes de déchets susceptibles de servir à la confection de la bombe. En chiffre rond, une centrale de mille mégawatts fabrique cinq cent kilos de plutonium par an, c’est à dire de quoi bricoler une trentaine de bombes rustiques.
L’arsenal militaire est devenu si monstrueux qu’à la fin de la guerre froide chaque cityen de la planète avait « droit » à quatre tonnes d’équivalent TNT. Quatre tonnes de plastic per capita… Enfin une authentique promesse de richesse définitive ! La signature des accords de désarmements Start II, en 1993, a normalement supprimé pour l’an 2003 les deux tiers des charges stratégiques des Etat-Unis et de la Russie. Ce qui nous laisse encore, ) chacun, deux petites tonnes d’équivalent TNT.
J’entend décrire la prochaine guerre. La plus lumineuse et la plus efficace. La mondiale. La troisième. La nucléaire…
De loin, elle constitue la principale menace qui pèse sur la planète et les hommes. A côté d’elle, les pollutions, l’avancée des déserts, le réchauffement climatique, les virus émergents, la montée des mers et les trous dans la couche d’ozone peuvent passer pour des bagatelles.
Frères humains, si ce conflit éclate, abandonnez toute espérance !
Les premiers trépassés seraient les plus heureux. Les cinq milliards de rescapés regretteraient d’avoir conservé le privilège de respirer. Ils n’auraient sauvé leur peau que pour finir dans des supplices. Un enfer sur la Terre !… Irradiés, choqués, malades, ils erreraient sous un ciel que les rayons du Soleil ne parviendraient plus à percer. L’hiver nucléaire règnerait sans espoir ni merci. Durant un an, on ne pourrait cultiver aucun jardin ni aucun champ. Sans lumière, les plantes ne pourraient assurer la photosynthèse qui entretient la chaîne alimentaire.
Si après un an disette et de souffrances, il se trouvait encore quelques survivants, ces miraculés reverraient un pâle Soleil qu’ils pourraient prendre pour celui du renouveau. Pas pour longtemps… La couche d’ozone aurait été détruite : des flux de rayonnement cosmiques et ultraviolets termineraient le boulot des bombes.

On reproche aux écologistes leur catastrophisme. Ils ne sont qu’objectifs.
L’humanité disparaîtra d’autant plus vite qu’elle cumule les conduites ineptes. Elle s’imagine au dessus de la nature : elle est dedans. Elle y barbote et elle y gigote, au grès des pulsions essentielles qui l’animent.


Désormais, le premier sculpteur de la Terre, c’est nous. Chacun des six milliards et demi d’humains (nouveau-né et vieillards inclus) remue en moyenne, six tonnes de matériaux par an. Les plus riches sont aussi les plus excités : trente tonnes pour l’américain… Durant les cinq mille ans qui viennent de s’écouler, notre espèce a déplacé un tel volume de terre et de pierres qu’on aurait pu s’en servir pour construire une montagne de cent kilomètres de longueur, quarante de largeur, et quatre de hauteur. Le volume des Alpes françaises. Pour la même besogne, les agents géologiques demandent cinq millions d’années. Ils sont mille fois moins rapides que nous.
L’Homme est plus puissant que les volcans, les tremblements de terre et les tempêtes. Il en tire vanité
…Mais notre montagne d’orgueil nous retombera sur la figure. Nous défigurons la Terre – notre mère, Gaïa. Nous la griffons, nous la lardons de coups de poignard, nous la zébrons de plaies profondes et de cicatrices indélébiles. La biosphère n’y survivra pas.
Et c’est ainsi que l’humanité disparaîtra.


Le destin de l’île de Pâques :

… Lorsque le jour de Pâques 1722, le marin hollandais Jacob Roggeveen aborde ce volcan du Pacifique, sur lequel des centaines de statues de pierre (des moais) fixent l’horizon de leurs yeux vides, il trouve une terre de désolation. Un lieu pelé, sans arbres. Moins de cinq cents habitants en proie à la disette, nourris de rares légumes et incapables d’aller à la pêche puisqu’ils n’ont aucun bois pour tailler des pirogues… Les onze clans, dirigés par autant de chefs, se font la guerre pour un territoire de vingt kilomètres sur quinze. Les Pascuans ne se souviennent même plus que leurs ancêtres avaient édifié une civilisation brillante. Ils ont oublié jusqu’au sens de leur écriture.
Trois siècles auparavant, l’île comptait trente fois plus d’habitants : quinze mille. Elle était crêpelée d’une riche forêt où prospérait une faune d’oiseaux terrestres et marins. Les cocotiers offraient leurs noix, leurs feuilles, leurs fibres, bref tout ce dont les Polynésiens ont besoin pour vivre, rire et danser, bâtir des maisons, fabriquer des outils et construire des bateaux qui voguent sur la mer.
Tout se dérègle avec l’explosion de la population, le partage du peuple en clans antagonistes et la prise de pouvoir par les chefs religieux. Une folie s’empare des insulaires : il faut tailler et ériger des statues de plus en plus nombreuses et de plus en plus colossales, afin d’obtenir la bienveillance des puissances divines. Pour faire rouler les géants de basaltes depuis les carrières jusqu’au autels, on a besoin de troncs d’arbres et de cordes de fibres. On rase la forêt. Les fleurs et les oiseaux meurent, les sources tarissent, l’érosion emporte l’humus vers la mer, les récoltes s’étiolent. Les conflits deviennent incessants et atroces. Les Pascuans s’entre égorgent.
Aujourd’hui, la Terre entière est l’île de Pâques, et l’humanité un village polynésien en sursis.
Hier les Pascuans ont enduré des désastres sur une miette de biosphère perdue dans l’océan Pacifique, à mille trois cents milles de la terre la plus proche.
Demain, l’humanité subira des catastrophes sur une planète isolée dans l’immense univers, à cent cinquante millions de kilomètres du Soleil.

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