31/10/2014
A Sivens, l’irréparable s’est produit
Nous étions une centaine de personne hier soir sur le Plateau des Forges à Aubin pour rendre un hommage à Rémi Fraisse, assassiné dans la nuit de samedi à dimanche dernier à Sivens dans le Tarn. C’était avant tout un rassemblement citoyen ou tous, avions laissé nos drapeaux et badges dans la voiture. Il y avait des personnes que nous voyons habituellement à tous les rassemblements politiques ou syndicaux sur le Bassin, mais aussi des personnes venues spécialement pour cet hommage. Tous étaient visiblement émus, mais aussi en colère après cet événement dramatique que l’on voyait pourtant venir et qui aurait pu être évité.
Je suis d’abord intervenu uniquement en qualité de témoin.
“ A Sivens, il y avait samedi dernier 4 000 à 5 000 personnes pour faire entendre pacifiquement la voix de la raison : celle de l’arrêt de ce projet destructeur et ruineux.
Ce devait être une journée d’information, de partage et de fête. Cette journée c’est terminée par la mort de Rémi.
C’était la quatrième fois depuis la fin août que je me rendais sur ce site.
La première fois, j’ai trouvé un site intact. Une vallée avec des arbres magnifiques, des prés bien entretenus, et au milieu un petit ruisseau, le Tescou. Nous avons bien sûr aussi chez nous ce genre de paysage. Sauf que ce petit coin est (était ?) aussi une zone humide avec de nombreuses espèces végétales et animales protégées. Cette zone était d’ailleurs classée ZNIEFF. Les zones humides sont indispensables, pour la préservation de la biodiversité, mais elles ont aussi un rôle important pour l’épuration de l’eau, pour la prévention des crues (éponge) et pour la captation du CO2. Entre 1960 et 1990, la France a perdu 50% de ses zones humides. Ca ne s’est pas amélioré depuis. Il n’en restait plus que deux dans le Tarn. Il n’y en a maintenant plus qu’une. Les mesures compensatoires à la destruction de cette zone avaient été jugées “ hypothétiques “, voire “ inadéquates “ par les collèges d’experts régionaux et nationaux sur l’environnement qui avaient participé à l’enquête publique et qui avaient donné par deux fois des avis négatifs pour ce projet.
Rémi faisait justement des études d’Environnement et était membre de l’association Nature Midi-Pyrénées où il s’intéressait plus particulièrement à la botanique de la Haute-Garonne.
Je suis retourné sur le site en septembre dernier où j’ai pu voir les premiers abattages arbres. Mais surtout j’ai entendu les témoignages de jeunes gens présents sur le site pour empêcher la coupe de ces arbres, concernant des harcèlements, des insultes et des violences policières inacceptables.
Lorsque que j’y suis retourné début octobre, il n’y avait plus d’arbre. Tout avait été déchiqueté au sol et cette belle vallée était devenue un spectacle de désolation.
Depuis plus de deux mois, malgré des personnes en grève de la faim, le président du conseil général du Tarn refuse tout dialogue et au contraire, accélère les travaux sans attendre le rapport des experts mandatés par le ministère de l’Ecologie.
Le gouvernement n’apporte aucune réponse et aucun apaisement dans ce dossier. Au contraire, il envoie toujours plus les gardes mobiles qui agissent avec une violence inouïe contre les opposants au projet, y compris des élus.
Et puis il y a eu le week-end dernier.
Tout aurait pu se passer dans le calme, si les forces de l’ordre étaient restées dans leurs cantonnements.
Le site des travaux était nu, et il n’y avait rien à surveiller si ce n’est un vieux groupe électrogène qui avait été brûlé la veille.
La présence des forces de l’ordre n’était donc pas justifiée.
Samedi, dès 15 heures, l’hélicoptère de la gendarmerie a fait d’incessantes rondes au dessus du site où diverses personnalités intervenaient au pied de la scène devant 3 000 personnes. Ces passages injustifiés de l’hélicoptère ont été très mal perçus par tout le monde.
C’est vers 16h00 qu’ont débuté les premiers accrochages à 2 km de là. Vers 17h00, nous étions une cinquantaine de personnes non violentes à exhorter les CRS à se retirer, car leur présence ce jour là était ressentie comme une provocation par tous. Nous avons reçu que mépris, insultes et grenades lacrymogènes à nos demandes.
Parmi les participants aux échauffourées, il y avait bien sûr des personnes qui étaient là pour en découdre uniquement avec la police, mais il y avait aussi beaucoup de jeunes pour qui la dévastation du Testet est perçue comme une profonde blessure. Des jeunes qui suivent l’actualité de Sivens depuis plusieurs mois et qui ressentent une profonde injustice.
Rémi était de ceux là.
Si les forces de l’ordre n’avaient pas été là ce jour là ou si elles s’étaient repliées comme nous les exhortions, il serait encore là.
Depuis, les experts mandatés par le ministère de l’Écologie ont rendu un rapport accablant sur ce projet, justifiant les remarques du Collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet, des associations environnementales régionales et nationales et de nombreux élus.
On voit bien que depuis deux ou trois jours l’Etat se sert de ce drame pour criminaliser la lutte environnementale contre ce barrage comme elle l’a aussi fait pour Notre-Dame-des-Landes. Mais je peux témoigner que l’immense majorité des personnes opposées à ces projets destructeurs et ruineux le font d’une manière non violente et que c’était le cas samedi.
Il faut poursuivre cette résistance non violente à ce projet pour qu’il soit abandonné. Il faut que nous soyons de plus en plus nombreux. Car l’ambition des aménageurs est aussi de faire ce genre de retenues partout en Midi-Pyrénées.
L’Aveyron avait repoussé il y a quelques années le projet de Vimenet sur l’Aveyron, mais ce projet risque de revenir à Vimenet ou ailleurs.
Ces projets ne justifient pas. Ils sont fait avant tout pour un modèle agricole productif, polluant et dépassé, pour des cultures gourmandes en eau, notamment le maïs, qui utilisent de plus beaucoup de pesticides.
Comme le montre les témoignages de ses proches sur le site de Reporterre (et que vous avez sur ce panneau), Rémi était venu à Sivens samedi dernier “par hasard“, pour afficher un “soutien pacifique“. Mais face à une telle scène de violences policières, d’incompréhension et d’injustice, il a voulu réagir d’une manière ou d’une autre. Il n’a pas mesuré ce qui l’attendait…
Je dois remercier Pascal Mazet qui est aussi à l’initiative de cet hommage à Rémi de ce soir. Nous avons veillé à ce que ce soit un rassemblement citoyen car les proches de Rémi ne souhaitaient pas que sa mort soit instrumentalisée.
Si vous le voulez bien, nous allons maintenant faire une minute de silence en hommage à Rémi, en pensant très fort à lui et à tous ses proches, après quoi, si d’autres personnes qui étaient samedi à Sivens souhaitent prendre la parole ou si des personnes souhaitent exprimer leurs sentiments sur ce drame, ce micro sera à leur disposition.
Minute de silence
Je vous remercie “
Après moi, une autre personne est intervenue avec un témoignage très émouvant. Elle a été sur le site de Sivens de très nombreuses fois ainsi qu’aux dernières manifestations à Gaillac et Albi. Elle était aussi à Sivens le week-end dernier.
Photos (cliquez sur les photos pour les agrandir) :
1 : Pascal Mazet
2 à 9 : photos prises à Sivens le 25 octobre - jlc - ©cc
Cette photo où je suis de dos à quelques dizaines de mètres des échauffourées est extraite du film posé sur internet par le groupe GROIX
10:27 | Lien permanent | Commentaires (1) | | Facebook | | Imprimer |
Commentaires
Très précis, très clair ton texte, - ton témoignage…émouvant…
Tous ces projets démesurés, ça sert à quoi ?
Je ne comprends pas tout ! Mais, bof !, dites le moi !
Mais où donc nous emmène ce siècle ? Désespérant !
Véloescargot
Écrit par : veloescargot | 01/11/2014
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