07/03/2019
Decazeville devient-elle réellement Déchet'ville ?
La crainte du journal aveyronnais « l’Empaillé » de voir Decazeville se transformer en « Déchet’ville » à cause notamment du projet Solena, projet de traitement et de stockage de déchets ménagers prévu à Viviez et Aubin, est bien réelle. Mais outre ce projet aberrant, de nombreuses autres « décharges » de tous types fleurissent sur ce territoire.
L'installation de stockage de déchets inertes de la route d'Agnac s'agrandit :
Il semble que les riverains estiment ne pas avoir été suffisamment informés lors de la consultation publique en juin et juillet dernier sur la demande d'enregistrement présentée par l'entreprise Rouquette TP en vue d'exploiter une installation de stockage de déchets inertes. Il aurait été effectivement souhaitable d'organiser une réunion publique lors de cette consultation et à minima, que le projet soit présenté et débattu en conseil municipal.
Des déchets de la SOPAVE sur les espaces verts et parcs communaux de la ville :
Ayant visité à l'automne dernier la décharge municipale de déchets inertes de La Romiguière comme chaque élu peut le faire et comme je le fais régulièrement, j’ai constaté que plusieurs dizaines de tonnes de boues provenant de la SOPAVE (SRVPA) y avaient été déposées, Il me semble pourtant que cette décharge était destinée aux seuls déchets inertes provenant des activités municipales. Mais bon…
Ces boues de la SOPAVE résultent du lavage de bâches agricoles. Elles contiennent des particules de plastique visibles à l'œil nu, mais aussi vraisemblablement des micros et nanos particules de plastique et des produits solides et chimiques toxiques résultant des activités agricoles, mais aussi éventuellement du traitement de ces bâches plastique.
J’avais déjà eu l’occasion d’alerter sur les dangers de ces boues lors de leur utilisation à Fontvergnes ou au Sailhenc. Je rappelle qu’elles avaient été déposées auparavant à Livinhac et à Montbazens et qu’une levée de boucliers s’était fait entendre sur les deux communes avant que les dépôts cessent.
Ces boues épandues sur les espaces verts de la commune de Decazeville sont-elles sans danger pour les habitants, notamment les enfants jouant autour du skate-park du Sailhenc ou dans les divers parcs et espaces arborés ?
Ces boues sont certes certifiées conformes par la SOPAVE.
Mais je rappelle, qu‘avant de fermer définitivement, la SOPAVE avait fait l'objet d'une mise en demeure de la Préfecture en décembre 2017 pour des problèmes graves touchant l'environnement. Ce qui, me semble-t-il, relativise à minima l'assurance de la non toxicité de ces boues par la SOPAVE.
Leur transfert vers un lieu de stockage de déchets inertes ou industriels idoines me semble souhaitable et le plus tôt sera le mieux.
Ne plus utiliser de produits phytosanitaires pour les espaces verts de la commune, c'est très bien (c’est de toute façon maintenant obligé par les lois), mais utiliser des boues industrielles contenant à minima des particules de plastique pour les espaces publics de la ville me semble préjudiciable à une « nouvelle politique de gestion des espaces verts » comme se vantent les élus decazevillois. C'est vrai qu'on ne devient pas écolo du jour au lendemain, surtout lorsque ce n'est pas dans sa nature !
Une décharge de déchets « inertes » à l’entrée de la ville :
J’ai été alerté il y a quelques semaines de la présence d’une décharge de gravats et de déchets « inertes » à la Croix du Broual. Elle semble dédiée aux terres et déchets enlevés lors des travaux de la rue Cayrade. C’est la présence sur ce site de bordures de trottoirs peintes en jaune qui me font dire cela. Les déchets des rues Lassalle et Miramont ont sûrement été mis également sur ce site appartenant à Decazeville Communauté (parcelles 76, 77 et 380 du cadastre ci-dessous).
Je rappelle que selon l’article. L. 541-2 du Code de l’environnement :
« Toute personne qui produit ou détient des déchets dans des conditions de nature à produire des effets nocifs sur le sol, la flore et la faune, à dégrader les sites ou les paysages, à polluer l'air ou les eaux, à engendrer des bruits et des odeurs et, d'une façon générale, à porter atteinte à la santé de l'homme et à l'environnement, est tenue d'en assurer ou d'en faire assurer l'élimination conformément aux dispositions du présent chapitre, dans des conditions propres à éviter lesdits effets.
L'élimination des déchets comporte les opérations de collecte, transport, stockage, tri et traitement nécessaires à la récupération des éléments et matériaux réutilisables ou de l'énergie, ainsi qu'au dépôt ou au rejet dans le milieu naturel de tous autres produits dans des conditions propres à éviter les nuisances mentionnées à l'alinéa précédent. »
Qu’est ce qu’un déchet inerte ?
Pour l’ADEME, Les déchets inertes sont principalement des déchets minéraux produits par l’activité de construction (BTP, industrie de fabrication de produits de construction) : béton, tuiles et briques, agrégats d’enrobés, déblais, vitrage, etc.
Certes dans le « etc » on peut mettre beaucoup de choses.
Du point de vue de la classification des déchets, les déchets inertes sont une sous-catégorie de déchets non dangereux.
Ils constituent plus de 90 % des déchets produits par les travaux publics et de l’ordre de 70 % de ceux produits par le bâtiment.
L’ADEME poursuit : ce type de déchet peut facilement être recyclé sous forme de matériaux, alternatifs aux granulats de carrières, pour une utilisation en technique routière. Ce type d’utilisation bénéficie notamment d’un encadrement technique et environnemental complet.
Il y a donc un enjeu fort de mobilisation de ce gisement vers le recyclage, dans une perspective de gestion durable des ressources et d’atteinte de l’objectif de 70 % de valorisation matière des déchets du BTP fixés par la directive-cadre 2008/98/CE sur les déchets, à l'horizon 2020.
Le recyclage n’a visiblement pas été étudié pour ces déchets qui gisent pêle-mêle dans cette igue de la Croix du Broual en vrac : terres, plaques de béton, tubes PVC, acier ou fonte (peut-être également plomb), croûtes d’enrobé…
Je me pose donc plusieurs questions :
Cette décharge de déchets inertes d’un volume conséquent (plusieurs centaines de m3) est-elle temporaire ou définitive ?
A-t-elle fait l’objet d’une déclaration ou d’une demande d'autorisation en préfecture ?
Ce dépôt a-t-il fait l’objet d’une convention entre la Ville et Decazeville Communauté, propriétaire des terrains ?
Peux-t-on mettre ces déchets directement dans une igue sans aménagement préalable (juste une petite digue au bas) et sans protection et signalisation réelle (clôture, panneaux d’avertissement…) ?
A-t-on regardé les effets de ces dépôts au regard du PPRM ? Le site comprend pourtant des galeries de mine, un aléa gaz de mine, certes faible mais réel et l'ex Puits de la Croix du Broual proche ?
Cette zone est d'ailleurs référencée RC2q sur le zonage réglementaire du PPRM, c'est à dire qu'il y a « interdiction de toute implantation humaine. Les opérations acceptées sont liées au maintien des installations et activités existantes ». Il n'y avait sur cette zone aucune activité, donc il n'y a pas la possibilité d'y implanter une décharge de déchets inertes.
Il faudra expliquer aux personnes touchées par le PPRM qui ne peuvent plus faire de travaux sur leurs propriétés comment une collectivité peut tout de même entasser des centaines de tonnes de déchets « inertes » sur un site classé RC2q au PPRM et même en partie RF5q.
A-t-on regardé les effets de ces dépôts au regard du milieu naturel, du paysage et des riverains ?
Les collectivités ont un rôle d’exemplarité vis-à-vis de leurs concitoyens. Le bon exemple a t'il été montré en agissant ainsi ?
Les riverains ont-ils été consultés ?
Par ailleurs, ce dépôt de déchets inertes n’a jamais été évoqué en commission municipale « Travaux » ni même à celle « Urbanisme », encore moins en conseil municipal. Comme d’ailleurs l’accueil des déchets de la SOPAVE à Romiguière. Ça ne me semble pas normal.
Après avoir questionné M. Alonso, premier adjoint au maire de Decazeville, il semble que la mairie de Decazeville soit étrangère à ce dépôt. Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'était pas au courant de cette opération pour des déchets émanant d'importants travaux de voirie sur sa commune et qu'elle a donc fermé les yeux.
J'ai soulevé ce problème lors de la commission « Environnement » de Decazeville Communauté le 26 février dernier. Une grande partie des élus ont été surpris par cette information et n'étaient visiblement pas au courant.
J'attends donc des explications cohérentes des collectivités locales concernées par ces dépôts de déchets et éventuellement des actions de correction et de réhabilitation :
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arrêts des dépôts des boues de la SOPAVE sur les espaces publics de la commune de Decazeville, et si nécessaire, transfert des boues restantes vers un site autorisé,
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enlèvement des déchets « inertes » déposés à la Croix du Broual et leur dépôt dans une décharge réglementaire.
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Information préalable à tous les élus concernant tout projet traitant des déchets de toutes catégories en commissions municipales et intercommunales.
Addenda du 9 mars 2019 :
Cette décharge de déchets "inertes" a fortement grossi cette semaine. Outre les camions d'une entreprise de travaux publics du Bassin qui possède pourtant une décharge privée de déchets inertes, j'ai aperçu hier un camion d'une entreprise de Baraqueville qui déchargeait ses déchets sur ce lieu. A-t-elle eu l'autorisation de Decazeville Communauté ? Cette décharge est-elle en train de devenir une décharge départementale ? Quel est le but de Decazeville Communauté ? Va-t-on nous ressortir le projet de déviation de la place Decazes alors que l'on vient de refaire la RD 221 dans les rues Lassalle et Miramont ? Quoi qu'il en soit, la méthode d'imposer cette décharge sans informations aux élus, notamment ceux de Decazeville, aux associations environnementales, notamment l'ADEBA et aux riverains est détestable !
Addenda du 20 mars 2019 :
Les services de l'Etat sont vraisemblablement intervenus pour faire cesser les dépôts de déchets divers mal triés issus de divers travaux de voiries de Decazeville. L'entreprise qui avait déposé ces déchets est en train de recouvrir cette décharge sauvage (car non déclarée) de terre végétale.
Mais il a fallu du temps pour que les collectivités locales réagissent ! J'ai averti la mairie de Decazeville le 10 février et Decazeville Communauté le 27 février sans que rien ne bouge. Ont-elles joué la montre et décidé d'attendre la fin des travaux de décaissement de la rue Cayrade pour agir ? Sûrement.
Voila en tout cas un bien mauvais exemple de gestion de déchets de chantiers donné par les collectivités locales et l'entreprise qui a déposé ces déchets, qui se double d'une atteinte à la réglementation sur les zones touchées par le PPRM (Plan de Prévention des Risques Miniers).
Comment réagiront maintenant les particuliers qui souhaiteront réaliser des travaux sur leurs terrains touchés par le PPRM et à qui on dira que cela n'est pas possible ? Ils se demanderont à juste titre comment les collectivités ont-elles pu entasser des centaines, voire des milliers de m3 de déchets divers mal triés issus de travaux de voirie sur une zone touchée par la PPRM et que eux ne pourront rien entreprendre chez eux ?
Il reste à surveiller à l'avenir qu'une nouvelle décharge sauvage ne voit pas le jour avec les autres chantiers prévus sur Decazeville et sur les autres communes de la communauté de communes
Photos :
1 à 5 : jlc - Licence Creative Commons
6 : Géoportail
7 : Zonage réglementaire PPRM - Préfecture de l'Aveyron
8 à 10 : : jlc - Licence Creative Commons
16:33 Publié dans Environnement, Politique locale | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | | Imprimer |
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