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23/07/2009

"Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens

Alors que débutait hier, 22 juillet 2009, l’ « Estivada » de Rodez, grande fête culturelle de l’Occitanie, je n’ai pas vu un seul article ou une seule petite phrase à cette occasion sur un événement dramatique et atroce qui a secoué l’Occitanie il y a exactement 800 ans et qui a en quelque sorte marqué le début de l’annexion de ce territoire au royaume de France.

Gérard Onesta, lui, s’en est souvenu.

Caedite eos. Novit Dominus enim qui sunt ejus”

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Il y a exactement 800 ans aujourd'hui était prononcée la phrase "Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens"…

En ce 22 juillet 1209, c'était le "Sac de Béziers". Une des pages les plus noires de notre Histoire. Toute la population de la ville - notamment les femmes et enfants réfugiés dans l'église de la Madeleine et la cathédrale Saint-Nazaire - était massacrée. Elle payait ainsi très cher d'avoir témoigné sa tolérance et sa solidarité envers ses 222 concitoyens cathares en refusant de livrer ces malheureux à l'armée croisée. Arnaud Amaury, Légat du Pape Innocent III, pouvait alors écrire à son maître : "Les nôtres, n'épargnant ni le sang, ni le sexe, ni l'âge, ont fait périr par l'épée environ 20 000 personnes et, après un énorme massacre des ennemis, toute la cité a été pillée et brûlée. La vengeance divine a fait merveille”.

Ce terrible jour marquait le début de l'annexion sanglante du Languedoc par la France. Car derrière cette Sainte Croisade au nom d'un Dieu d'Amour ("Tu ne tueras point", "Aime ton ennemi comme toi-même", etc.) il s'agissait surtout pour les Barons de nord de faire main basse sur les richesses de l'Occitanie. Le cycle de guerre ouvert par ce "grand masèl" (grande boucherie) ne se conclura en effet qu'en 1244 par le bûcher de Montségur où périra le dernier noyau de la résistance des "Parfaits", ceux qui se disaient chrétiens mais voulaient rompre avec l'infâme corruption de l'Église.

…/…

Notre société actuelle fait grand cas des crimes contre l'Humanité, en partant du principe salutaire qu'en taire un seul, c'est déjà cautionner le suivant. Pourtant, ce matin, j'ai écouté les radios, regardé les télés et parcouru la presse. On ne peut pas dire que la République fasse, en ce jour, un gros effort mémoriel si ce n'est mémorial. À Paris, on a toujours le Srebrenitza ou l'Oradour-sur-Glane très sélectif…

Il est vrai que les bonnes raisons ne manquent pas pour expliquer ce troublant silence médiatique : il est bon de feindre que la France a toujours été "une et indivisible", le droit-de-l'hommisme n'est qu'une médication à usage externe, et c'est la même main qui tient à la fois, le Sabre, le Goupillon et la Plume de l'Histoire.

Tout à l'heure, je quitterai Toulouse pour aller passer quelques heures à Béziers. Là-bas, nous risquons de nous retrouver bien peu à réfléchir, au creux des vacances, à ce que vaut le sang quand il a séché dans la mémoire collective.

Gérard ONESTA