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21/06/2010

Un site remarquable en danger

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Les petites routes départementales agréables où l’on se plait à circuler à vélo ou en voiture à l’ombre des arbres sont petit à petit en train de disparaître. Et oui, il faut bien que les hordes de camions servant cette mondialisation libérale puissent circuler partout, jusque dans le moindre petit hameau.

Et on coupe des virages ! Et on élargit des chaussées ! Et on fait des ponts (ouvrages d’art qu’ils appellent ça !) ! Et on goudronne de la bonne terre agricole ou des forêts centenaires (on artificialise la superficie d'un département français tous les dix ans) ! Et le plus terrible, c’est que ceux qui mettent en place ces programmes destructeurs s’en vantent (et sont en plus parfois réélus, mais pas tous, j'en connais).

Alerté par des personnes soucieuses de l’ampleur des travaux routiers au lieu-dit « Roc de Gerles » sur la commune de Livinhac-le-Haut entre Livinhac-le-Haut et Port-d’Agrès au croisement de la RD 72 et de la RD 627, je suis allé ce dimanche me rendre compte sur place. Et effectivement on est en train de supprimer la partie basse de ce rocher remarquable.

Pourtant, à cet endroit, la chaussée est déjà assez large. Certes il y a un virage, mais qui n’est pas accidentogène et il participe même à ralentir les automobilistes et les poids lourds avant d’aborder le pont à une voie et éventuellement de s’arrêter pour céder le passage.

On va encore nous dire que l’on a été obligé de réaliser ces travaux car la paroi du Roc de Gerles s’effritait. Mais pourquoi s’effritait-elle ? Parce que l’on avait commencé à la raboter pour élargir la chaussée et que les camions, de plus en plus nombreux à circuler sur cette route, occasionnaient des vibrations et des dégâts.

gerles-pont-travaux roc.jpgDans le dernier numéro de son magazine, le Conseil Général de l’Aveyron vante son intérêt pour la protection des espaces naturels sensibles. Certes, c’est louable. Mais au-delà de cette politique environnementale élitiste, qu’en est-il de tous les petits endroits riches par leur biodiversité, leur paysage, leur géologie, leur milieu… dans notre département ? Ces lieux sont aussi un « don de la nature » comme le titre la revue du Conseil Général et ils méritent eux aussi un intérêt tout aussi fort ou au moins de ne pas les détruire. Le classement en ZNIEF de nombreuses zones de l’Aveyron serait certainement bénéfique, mais on le comprend bien, embarrassant pour réaliser des aménagements, notamment d’infrastructures routières dont raffolent les conseillers généraux actuels, de droite et de gauche.

Le Roc de Gerles est connu depuis longtemps pour abriter une espèce végétale sensible : la joubarbe (Sempervivum). Cette plante figure dans la liste rouge provisoire des espèces rares ou menacées de la flore vasculaire de Midi-Pyrénées et d’Auvergne. Cette espèce se trouvait vraisemblablement sur la partie basse du Roc de Gerles, celle actuellement en travaux.

Je dis, se trouvait. Je ne prétends pas être un éminent botaniste, mais lors de ma promenade dominicale, je n’ai pas aperçu une seule espèce de cette plante sur le Roc de Gerles. J’espère me tromper. Je suis prêt à faire amende honorable si on me prouve le contraire et surtout s’il en reste, qu’on protège cette espèce et ce lieu. 2010 a été décrétée année de la "biodiversité".

Les Anglais avaient détruit le château de Gerles au Moyen Age (1), les camions et le conseil général de l’Aveyron achèvent de détruire ce site remarquable.

Je ne donne pas long feu du charmant petit pont à une seule voie sur le Ruisseau de Gerles (ou de l’Hermie), d’autant plus que les 20 rotations journalières de camions prévues lors de l’enquête publique pour le renouvellement de l’exploitation de la carrière de Saint-Santin sont devenus au fil des mois et des années le double, voire le triple.

Pourtant d’autres politiques sont possibles.

Pendant que le Conseil Général de l’Aveyron est en train de livrer notre département au goudron, aux camions et à la mondialisation libérale, d’autres départements se réjouissent de ne pas s’être laissé tenter par cette voie.

bbouniol-cci15.jpgC’est le cas du Cantal qui, par la voix de Bernard Bouniol, président de la chambre de Commerce et d’Industries du Cantal, vantait dans un reportage de TF1 le 31 mars dernier consacré à l’hôtellerie cantalienne les vertus du relatif enclavement de son département.

« Etre un petit peu enclavé nous a laissé à côté des grandes périodes où on a beaucoup massacré la nature. Le département est préservé, il est intact… On va rentrer de plein pied dans cette nouvelle économie dite durable ».

Ecoutez-le :

podcast

L’Aveyron reste scotché à la vieille économie du 19ème et du 20ème siècle, économie qui nous a certes permis pendant un certain temps des progrès énormes, mais qui nous a conduit à la grave crise que nous connaissons actuellement qui est autant économique, que sociale et écologique.

(1) : Dictionnaire des châteaux de l'Aveyron - Raymond Noël - Editions Subervie - Tome 1, page 438.

DERNIÈRES INFOS :

Dans un article intéressant, La Dépêche du Midi aborde l'aspect archéologique de ces travaux aussi important que les aspects botaniques et environnementaux, notamment la destruction complète des vestiges du château de Gerles :

Article de La Dépêche du Midi : Le conseil général s'attaque au château de Gerle

L'article de Midi Libre du 28 juin 2010 : La destruction du Roc de Gerles emporte plusieurs préjudices

Courrier envoyé à Monsieur le Président du Conseil Général de l'Aveyron : Gerle - Courrier Conseil Général.pdf


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Je ne résiste pas à retranscrire ce passage de « L’humanité disparaître, bon débarras », ouvrage d’Yves Paccalet, compagnon de route de Cousteau et maintenant conseiller régional Europe Ecologie en Rhône-Alpes.

"Désormais, le premier sculpteur de la Terre, c’est nous. Chacun des six milliards et demi d’humains (nouveau-né et vieillards inclus) remue en moyenne, six tonnes de matériaux par an. Les plus riches sont aussi les plus excités : trente tonnes pour l’américain… Durant les cinq mille ans qui viennent de s’écouler, notre espèce a déplacé un tel volume de terre et de pierres qu’on aurait pu s’en servir pour construire une montagne de cent kilomètres de longueur, quarante de largeur, et quatre de hauteur. Le volume des Alpes françaises. Pour la même besogne, les agents géologiques demandent cinq millions d’années. Ils sont mille fois moins rapides que nous.

L’Homme est plus puissant que les volcans, les tremblements de terre et les tempêtes. Il en tire vanité

…Mais notre montagne d’orgueil nous retombera sur la figure. Nous défigurons la Terre – notre mère, Gaïa. Nous la griffons, nous la lardons de coups de poignard, nous la zébrons de plaies profondes et de cicatrices indélébiles. La biosphère n’y survivra pas.

Et c’est ainsi que l’humanité disparaîtra."

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