Dans l’ordre du jour du conseil municipal d’hier figurait le mode de gestion de la nouvelle chaufferie et du réseau de chaleur.
Decazeville possède une chaufferie importante qui alimente un réseau de chaleur fournissant le centre hospitalier, le lycée, le collège, une école, un foyer logement et un EHPAD ainsi que 500 logements HLM environ.
Cette chaufferie créée au tout début des années 90 fonctionnait avec du charbon extrait de la Découverte de Decazeville. Mais depuis 2001, date de la fermeture de la mine à ciel ouvert locale, ce charbon vient de Colombie. Oui, vous avez bien lu, de Colombie !
Cela fait plusieurs années que ce dossier traîne
Dès le départ, je n’ai pas senti une réelle volonté de le prendre en main.
J’avais d’ailleurs consacré plusieurs notes sur ce sujet en 2006.
Il y eu de notre part durant quelques années un suivi aléatoire de l’exploitation technique de la chaufferie et du respect du contrat d’affermage qui a conduit l’exploitant à certaines libertés. Heureusement, ces dernières années, ce suivi a été mieux respecté.
Il y a eu au sein de la municipalité une remise en cause permanente du bois énergie, alors que nous brûlions du charbon de Colombie. Tous les faux motifs nous ont été donnés. Le bois revenait plus cher que d’autres combustibles, il est plus polluant, il n’y a pas assez de bois dans la région… Tout cela en fait pour défendre d’autres énergies : le gaz voire encore le charbon !
Il est ahurissant qu’hier soir encore, le Parti Communiste ait proposé de poursuivre l’utilisation du charbon pour alimenter cette chaufferie. Certes d’une manière masquée puisqu’on nous parle maintenant de granulés de charbon. D’autant plus ahurissant qu’il n’y a plus aucune mine de charbon en France et que même la centrale thermique au charbon de Gardanne va vraisemblablement être transformée en centrale biomasse bois et produits végétaux.
Jusqu’à la dernière seconde, le lobby de Total, qui fournit le charbon colombien de Decazeville, aura été important.
Mais également, tout a été fait pour essayer de rendre la concession inéluctable :
- Pas de discussion avec les autres clients du réseau de chaleur sur le mode de gestion en Régie
- Pas de provisions budgétaires.
Toutes ces hésitations et atermoiements ont également retardé le projet et les subventions qui l’accompagnaient. Elles étaient il y a encore trois ou quatre ans à près de 80 %. Certains en ont fort justement profité, je pense à nos voisins de Cransac avec la réussite de leur chaufferie aux noyaux de fruits.
Je ne suis pas favorable à une Délégation de Service Public
La durée du contrat de 20 ans est trop longue. Nous venons d’ailleurs d’en sortir.
Certes, nous n’assurerons pas l’investissement de départ, mais soyez assuré que les abonnés, eux, le payeront, avec en plus, les frais de fonctionnement et la marge bénéficiaire de l’exploitant durant 20 ans.
Je suis plutôt favorable à une exploitation en Régie avec une Prestation de Service
L’exploitation d’une chaufferie bois demande de la technicité et un suivi en permanence. Le prendre en Régie totale est difficile, car cela demande du personnel qualifié et peut donc être onéreux.
La Régie avec prestation de service est le système que nous avons mis en place pour le pompage et le traitement de l’eau. Il nous donne jusqu’à présent entièrement satisfaction.
La Régie avec prestation de service permet un contrôle et un suivi étroit de la collectivité sur le service et le prix pratiqué aux usagers (notamment aux locataires des HLM) . C’est la collectivité qui facture directement aux abonnés.
Il n’y a pas de contrainte temporelle comme la DSP. A tout moment, nous pouvons changer le mode de gestion.
La Régie avec prestation de service ne demanderait pas beaucoup d’heures de personnel :
- Surveillance technique des installations et analyse contractuelle de la prestation de service comme nous le faisons actuellement pour le service de l’eau
- Surveillance de l’approvisionnement en combustible (par contrat avec un fournisseur ou le prestataire de service si nous ne voulons pas l’assurer nous même)
- Facturation mensuelle à seulement cinq abonnés.
- Bilans financiers annuels (comme pour l’eau).
Mais c’est la collectivité qui assure l’investissement. Certes, il est important : 1,9 million d’euros TTC, et peut réduire fortement les possibilités d’investissement de la commune. Mais la TVA est récupérable et on peut encore espérer des subventions pouvant aller jusqu’à 56 % comme pour la chaufferie bois de Livernon dans le Lot. Le concessionnaire en bénéficiera lui aussi de toute façon.
Mais le dossier peut également être porté par une SPL (Société Publique Locale) créée à l’occasion et réunissant les cinq clients du réseau de chaleur ou bien par l’OPH (Office Public de l’Habitat) de Decazeville, principal client du réseau de chaleur.
Tout cela n’a malheureusement jamais été étudié ni même abordé.
Dimension politique de la Régie
Il ne suffit pas de défiler dans la rue ou de faire des communiqués et des tracts pour défendre les services publics pour, lorsqu’on a la possibilité de passer aux travaux pratiques localement, se débiner et choisir la Délégation de Service Public.
C’est un service important notamment pour les abonnés des HLM, mais aussi pour les autres abonnés raccordés au réseau de chaleur.
Il faut savoir que beaucoup de réseaux de chaleur sont exploités en Régie, avec ou sans prestation de service, avec la satisfaction des collectivités et des abonnés.
Il existe même de nombreuses collectivités locales qui exploitent des Régies d’énergies en France. Elles distribuent non seulement de la chaleur, mais aussi de l’électricité et du gaz. Je pense notamment à Saint-Marcellin dans l’Isère dont j’avais visité la chaufferie en 2002.
Mais il y a aussi proche de nous la RMGE de Carmaux devenue ENE’O : depuis 1881, 6 600 clients et 10 M€ de CA. Il existe aussi une deuxième régie dans le Tarn.
Toutes ces collectivités sont regroupées au sein de la FNCCR (Fédération Nationale des Collectivités Concédantes et Régies).
Un peu d’histoire
En 1946 lors du projet de loi de nationalisation de l’électricité, le Vice - Président de la FNCCR de l’époque a défendu la sauvegarde des droits et prérogatives des collectivités locales, arguant du fait « qu'elles avaient très tôt su organiser la distribution "hors la loi du profit" ». Il a eu gain de cause et les Régies en place ont pu continuer à fonctionner. Ce vice-président de la FNCCR s’appelait Paul Ramadier, ancien Maire de Decazeville. Il a toujours défendu le rôle des collectivités locales en matière d’énergie, notamment au travers du FACÉ (Fonds d'Amortissement des Charges d'Electrification).
Le bois énergie, une énergie locale
Alors que l’Aveyron est un département fortement boisé où la forêt gagne du terrain chaque année, il n’y a pas de réelle volonté départementale de pousser le bois énergie.
Le Lot avec le SYDED créé au départ pour s’occuper de la collecte et du traitement des déchets, a décidé de prendre la compétence Bois Energie et s’occupe de la construction et du fonctionnement des chaufferies ainsi que de la fourniture et la distribution de combustible.
Pour conclure :
Bien que tardif, le choix de transformer la chaufferie charbon en chaufferie bois est un choix judicieux tant en termes de coûts pour les abonnés que pour l’environnement.
Mais malheureusement, le choix de gestion par une Délégation de Service Public sur 20 ans ne me convient pas
C’est pour cela que je n’ai pas voté cette délibération et que je me suis abstenu.
Les six élus de l’opposition se sont également abstenus car ils estimaient ne pas avoir assez d’informations sur ce projet.
Les autres élus présents ou représentés ont voté pour la mise une Délégation de Service Public pour 20 ans.
J'ai également voté contre la demande de subvention pour l'installation d'un système de vidéoprotection (ou vidéosurveillance ?) à la piscine municipale car je n'ai pas eu l'assurance que les caméras fonctionneraient seulement en dehors des heures d'ouverture.
Photos : jlc